la honte d’être ;
la honte d’être soi :
de ne pas être assez, pas assez ou peut-être trop ;
la honte de ne pas réussir à être dans
la mesure.
c’est étrange d’avoir honte “d’être”,
honte d’être au monde ainsi, dans ce
corps, dans ce corps qui dit ‘je’,
je suis,
je ne suis pas,
je ne suis pas mesurée comme toutes
les autres,
la taille est mesurée, le rire est mesuré,
la beauté est mesurée.
tout est désordonné chez moi, même la
honte d’être moi, même l’idée d’être
empruntée.
toutes ces mondanités qui étouffent
jusqu’à l’os,
qui étouffent les « je ».
je rêve de sortir de mon corps,
parfois même de m’arracher la peau,
en coller une autre, plus ressemblante,
je lorgne leur beauté et, je rêve de,
nez, de bouche, de seins, de grains de
beauté.
alors si,
si je n’étais pas moi, tout serait.
je serais sans honte, si seulement,
si seulement ma peau était autre,
si seulement j’étais mesurée :
dans mes gestes, mes paroles, mes
regards.
peut-être serais-je aimée pour ce que je
ne suis pas,
peut-être serais-je enviée,
et pourquoi ?
pourquoi vouloir être mesurée comme toutes les autres,
pourquoi vouloir être aimée de tous les autres,
pourquoi ne pas garder cette peau.
cette honte, c’est la mienne.
c’est mon trésor.
la honte d'être
(poème d’après des photos d’archives 2011)